Utilisation du diltiazem reconditionné lors de myocardiopathie hypertrophique obstructive chez un chat

Anamnèse et commémoratifs

Saphir est un chat Sacré de Birmanie mâle castré de 6 ans et pesant 4 kg, qui est présenté en consultation chez son vétérinaire pour sa visite annuelle et son rappel vaccinal.

Il vit en appartement sans congénère. Il est correctement vacciné typhus-coryza.

A l’examen clinique, il présente un souffle cardiaque systolique basal gauche, de grade III/VI. Il n’y a aucune autre anomalie à l’examen. L’auscultation ne révèle pas d’arythmie, la fréquence cardiaque est évaluée à 136 bpm, et le pouls est frappé et synchrone avec le choc précordial. Sa température est normale, ses muqueuses sont roses, la pression artérielle systolique est mesurée à 128 mmHg. L’auscultation respiratoire est sans anomalie. D’après ses propriétaires, il ne présente aucun symptôme de cardiopathie. Ce souffle n’avait jamais été signalé auparavant, ils décident donc de l’explorer.

Examens complémentaires

Un bilan sanguin complet est réalisé (numération formule sanguine, bilan biochimique) et ne révèle aucune anomalie, ce qui permet d’écarter l’hypothèse d’un souffle fonctionnel (secondaire à une anémie) ou d’un souffle lié à une pathologie systémique (hyperthyroïdie, insuffisance rénale, diabète, processus inflammatoire…).

Une radiographie thoracique est réalisée par le vétérinaire traitant dans un premier temps, et révèle une cardiomégalie avec dilatation atriale, mais aucun signe d’épanchement, d’œdème pulmonaire ou de congestion des vaisseaux.

Saphir est référé chez un vétérinaire cardiologue afin de réaliser une échocardiographie-Doppler. Plusieurs anomalies sont observées :

  • Une hypertrophie des parois myocardiques gauches (septum interventriculaire, piliers ventriculaires) ;
  • Un inotropisme ventriculaire gauche dans les valeurs hautes ;
  • Des feuillets mitraux et des cordages associés discrètement hyperéchogènes ;
  • Un mouvement systolique antérieur mitral (SAM) ;
  • Un épaississement de la valvule mitrale ;
  • Un flux pulmonaire turbulent, de vélocité augmentée et avec un profil en lame de couteau inversée, compatible avec une obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule droit ;
  • Un flux aortique laminaire et de vélocité normale à basse fréquence mais turbulent, de vélocité augmentée et avec un profil en lame de couteau inversée, compatible avec une obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche quand la fréquence augmente.

Ces lésions sont compatibles avec une myocardiopathie hypertrophique obstructive idiopathique.

Pronostic et mise en place du traitement

Compte tenu du caractère obstructif de la myocardiopathie hypertrophique, Saphir présente des risques de syncope à moyen terme, ainsi que des risques d’insuffisance cardiaque, d’infarctus du myocarde, de thrombus à plus long terme. Un traitement est donc instauré immédiatement :

  • β-bloquant (aténolol) : 3 mg/kg matin et soir indiqué en cas d’affection obstructive ;
  • Inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (bénazépril) : 0,5 mg/kg par jour afin de limiter les remaniements myocardiques ;

Inhibiteur calcique (diltiazem) : 10 mg/kg par jour en forme longue action, sous forme de gélule reconditionnée pour favoriser la relaxation myocardique.

Suivi de traitement

Un bilan rénal est réalisé une quinzaine de jours après la mise en place du traitement. Les valeurs étant toujours dans les normes, les posologies des différents traitements, et notamment du bénazépril, ne sont pas modifiées. Un bilan sanguin est recommandé tous les 4 à 6 mois chez le vétérinaire traitant.

Un contrôle échocardiographique-Doppler est recommandé au minimum une fois par an chez le vétérinaire cardiologue pour évaluer la progression de la pathologie.

Intérêt du diltiazem en médecine vétérinaire

Le diltiazem est un antiarythmique de la classe IV. C’est un inhibiteur calcique, qui s’oppose à l’entrée de calcium lors de la phase 2 du potentiel d’action, entraînant donc un raccourcissement de celui-ci. Le calcium joue un rôle important dans le maintien de l’automaticité de la conduction dans les nœuds sinusal et atrio-ventriculaire. Ainsi, le diltiazem induit une bradycardie sinusale (effet chronotrope négatif) et un ralentissement de la conduction atrio-venticulaire (effet dromotrope négatif). Ces effets lui confèrent une activité anti-arythmique supraventriculaire. Lors de fibrillation atriale, il permet une réduction de la fréquence ventriculaire en allongeant la période réfractaire du nœud atrio-ventriculaire. Il présente également un effet inotrope négatif modéré. 

 

Les principales indications du diltiazem en médecine vétérinaire sont :

  • Traitement de la myocardiopathie hypertrophique du chat : 1,5 à 2,5 mg/kg 3 fois par jour en forme courte action, ou 5 à 10 mg/kg 1 fois par jour
  • Traitement des tachycardies supraventriculaires et de la fibrillation atriale
  • Traitement de l’hypertension artérielle

Il peut être administré par voie orale ou intraveineuse. L’absorption par voie orale est généralement bonne. Le pic de concentration plasmatique est observé 30 minutes à 1 heure après l’administration. L’excrétion du diltiazem et de ses métabolites est essentiellement biliaire.

Le diltiazem est contre-indiqué en cas d’hypotension artérielle, de maladie du sinus « sick sinus syndrome », ou de trouble sévère de la conduction (bloc atrio-ventriculaire du 2ème ou 3ème degré).

 

Il n’existe pas de forme vétérinaire longue action (LP) pour l’instant. En forme courte action, le médicament doit être administré 3 fois par jour chez le chat, ce qui peut s’avérer compliqué. En médecine humaine, le diltiazem LP se vend sous forme de gélules, dosés entre 90 et 300 mg. Il semble donc compliqué d’administrer une dose journalière correcte pour des petits animaux. Un chat a par exemple besoin de 40 mg par jour, il faudrait donc diviser la gélule avant de l’administrer. Et généralement le traitement est prescrit à vie, d’où l’intérêt de faire reconditionner le diltiazem longue action (ou même courte action), dosées en fonction de l’animal, et ainsi s’assurer que la dose journalière administrée est correcte. Plusieurs formes galéniques sont possibles : gélules, suspension, pâte orale, pommade avec passage transdermique… De plus, les médicaments peuvent être aromatisés (thon, bœuf, poulet, etc…) afin de les rendre plus appétents et faciliter l’observance du traitement.

 

Sources :

  • « Thérapeutique cardiovasculaire du chien et du chat », abrégés vétérinaires, V. Chetboul, H.P. Lefebvre, D. Tessier-Vetzel, J.L. Pouchelon, éditions Masson, 2004
  • Thèse « Index thérapeutique en cardiologie du chien et du chat », Y. Bongrand, 2006
  • « Cardiomyopathies félines », Veterinary Focus n°22.1, 2012

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